mercredi 18 novembre 2009

Gábor Szirtes L'avènement de la bourgeoisie et l’intégration sociale des Hongrois juifs Adolf Engel 2/3 :

Gábor Szirtes
L'avènement de la bourgeoisie et l’intégration sociale des Hongrois juifs
Adolf Engel 2/3


La vie d'Adolf Engel
C’est de telles circonstances qui l'ont vu naître et sa carrière fut accompagnée de telles contraintes. Les citoyens de la ville étaient habités par des préjugés, par l'antipathie religieuse contre les juifs, lorsque Adolf Engel a commencé son entreprise, enfant, orphelin précoce, comme petit vendeur de rue. Il y avait encore des préjugés médiévaux envers les juifs, la ville essayait par tous les moyens de préserver le caractère catholique pour lequel l‘évêque,en 1692, avait fait faire vœu par les citoyens. Les juifs, qui venaient en colporteurs dans la ville, étaient désignés comme boucs émissaires par les commerçants, lorsque les affaires ne marchaient pas bien. L’exclusion des concurrents sérieux étaient de mise et les ambitions rivales étaient fortes. Les conditions ont changé vers le dernier tiers du XIXe siècle : le processus de l'émancipation, l'inclusion sociale et la réconciliation en 1867 avec l’Autriche, s’est approfondie. Les juifs en grand nombre prenaient part à la vie culturelle et économique du pays. La plupart d'entre eux pouvaient également s’identifier avec la nouvelle Hongrie libérale.
En considérant ses débuts de jeune orphelin, les conditions hostiles de départ dont les juifs souffraient, nous pouvons porter en haute estime la performance exceptionnelle d'Adolf Engel, qui a perçu les opportunités permettant son ascension sociale. Dés l’âge de 11 ans vendeur de rue, il a gagné son pain, le soir il a continué assidûment sa formation, a étudié des langues, il se lançait des défis dans de nombreux domaines pour se tester lui-même: il a commencé un négoce de tabac, a ouvert une boutique de meubles et de vêtements, il revendait des glands de hêtres, a établi un commerce de bois, installé une scierie, entrepris des travaux de construction, a ouvert le premier dépôt de charbon à Pécs, dans la vallée de Balokány, il a construit une piscine, bâti un bain de vapeur public et créé une entreprise de scierie à la vapeur, de production de parquets. Avec un travail soutenu, sa fortune s' accroissant de plus en plus, il devenait un capitaine d’industrie. Entre-temps - en 1877 à Vienne et ensuite avec la participation à l’exposition universelle de Paris de 1878 - est arrivé la renommée internationale. Ce n’était pas, il est vrai, la Légion d'Honneur française « annoncée » par les médias, mais la brillante médaille d'or qu’il a reçue, puis l'Ordre d'Or de la médaille de mérite en récompense du roi.
Mais il ne se satisfaisait pas de ces réussites. Au tournant des années-1870-1880, il prit d'importantes décisions : il fit l’acquisition des domaines de Felsőmindszent, puis acheta la propriété de Jánosi du Prince Alfred de Montenouvo. D'ancien colporteur, il devenait maintenant propriétaire terrien. Et pas n'importe lequel, il fit améliorer l’état des habitations des journaliers, lequel laissait à désirer, il assura l'éducation de leurs enfants, soutint financièrement le temple juif et au nom de la paix confessionnelle- il restaura le presbytère du village. À l’occasion de l'exposition de1885 à Budapest l’Empereur François-Joseph Ier en 1896 lui accorda le titre de noblesse hongrois avec le patronyme de « Jánosi". Mais le riche cheminement de sa vie était loin d’être fini, c’est ensuite qu’a commencé la grande entreprise de sa vie : il a prouvé que dans le village de Komló du charbon de haute qualité était profondément enfoui dans la terre. Le créateur de l’industrie du bois de la région de Sud-Transdanubie est à l'origine d'un siècle d'exploitation minière et il a lancé la mise en marche des mines de charbon de Komló.
Le cheminement de sa vie, qui coïncide avec la formation du concept d'Etat-nation hongrois, et l'élaboration du concept moderne de nation hongroise, notions contradictoires avec celles, accablant souvent les minorités, celles dont la religion était différente de la religion catholique romaine. Cela démontre que l'intégration sociale des juifs et leur réussite économique est réalisable dans une société non-juive. C'est certainement ce qui n’a pas permis au nationalisme juif, et au sionisme de développer des racines profondes dans la monarchie austro-hongroise, et ainsi n’a pas créé de conflit insurmontable entre juifs et non-juifs. Face à l’enseignement de Theodor Herzl, d'origine hongroise, selon lequel il n’existe que deux voies, ou « l’auto-sabordage » par des mariages mixtes, ou l’Etat national juif, Adolf Engel au travers de toute sa vie a démontré la possibilité d'une troisième voie. Sa trajectoire sous la double monarchie est celle d'un grand industriel, émergeant de la pauvreté, qui met toute sa diligence, ses connaissances au service de la civilisation, du développement industriel hongrois, et de la ville de Pécs. Toute son activité est celui du grand entrepreneur qui a dépassé les limites fixées par l’époque, les préjugés ethniques et religieux, a combattu les injustices et obstacles juridiques auxquels les juifs étaient confrontés. Par son humanité et son caractère nobles, de sensibilité sociale, il a surmonté les difficultés en maintenant son identité juive tout en s'adaptant aux conditions de la vie hongroise, il a gagné l'appréciation et la renommée de la branche de production nationale elle-même, dans la vie publique et la vie de la communauté juive. Aujourd'hui nous le considérons en tant qu’entrepreneur à succès hongrois d'origine juive, de confession juive qui avec une conscience juive et avec un sentiment sincère d'appartenance hongroise s’est intégré dans les conditions du pays du XIXe siècle, plus précisément celles d'après 1867.
Pour consacrer son patriotisme local, son nom fut donné à une rue de son vivant, et plus tard à Komló une statue a été érigée en son honneur. Après le changement de régime hongrois dans notre monde où une nouvelle bourgeoisie émerge, il est la référence d’une personnalité, qui a laissé un héritage durable. Et si, malheureusement sa propriété jadis prospère de Mecsekjánosi, finissait par dépérir, sa personnalité serait immortalisée dune manière digne par les - textes et les images,de l’ouvrage paru en 2008, chez Pro Pannonia Publishing et après par les présentations de ce livre faites à Pécs, à Komló, et maintenant aussi à Paris. Il a été fait de même dans le roman, attendant un éditeur, « Trente Pièces d’Argent » écrit sur sa vie par l'écrivaine bien connue, Denis Giselle il y a des décennies.
Texte de Gábor Szirtes traduit du hongrois par Anna Stein et Jean-Pierre Frommer

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